Le quartier cité des anciens combattants dans la commune de Ngaliema, à Kinshasa, a été anesthésiée samedi 30 janvier par l'élimination des Léopards de la RDCongo en quart de finale du Championnat d'Afrique des Nations (CHAN) Cameroun 2020, apres leur défaite 1 but à 2 face aux lions indomptables du Cameroun.
Il est 20 heures. On sent la ferveur monter devant toutes les télés des bars du quartier placées pour accueillir les fans de foot bien déterminés à braver le couvre-feu qui entrera en vigueur juste au début de la deuxième période.
Les supporters congolais sont sûrs de la victoire de leur équipe. Comme toujours. Malgré toute la psychose engendrée au Cameroun par les multiples tests Covid que les joueurs ont subis. L'un des tests effectués d'ailleurs la veille du match tard la nuit a été demandé par le staff médical congolais qui contestait le nombre des treize cas positifs au Covid-18 annoncé plus tôt dans la journée par...la partie adverse camerounaise à la place des officiels de la CAF.
Jusqu'à midi, le jour du match, c'était encore l'incertitude. Le sélectionneur ne savait pas qui de ses joueurs étaient négatifs au test, et donc autorisé à monter sur la pelouse. Difficile dans ces conditions d'avoir une préparation psychologique et tactique sereine. Malgré ces conditions de préparation exécrables, les supporters, continuaient de croire en la victoire de leur équipe. Un peu comme les adeptes d'une religion professent leur foi. Peu avant le début du match, ils le disaient d'ailleurs.
"Moi je crois fermement en notre victoire ce soir", affirmait un supporter des Léopards rencontré dans un bar parmi des dizaines qui accueillaient du monde. Un espoir que les Léopards allaient permettre à leurs supporters d'entretenir. Après seulement 21 minutes de jeu, Lilepo Makabi, d'une tête en pleine lucarne ouvraient le score donnant un peu plus corps au rêve d'une nation dont le foot est sport-roi : celui d'accéder en demi-finale de la compétition.
Supporters dans les bars, motards et passants s'emballaient. Mais la joie allait être éphémère puisque l'équipe camerounaise égalisait après seulement 6 minutes de jeu à la suite d'une une sortie mal négociée du gardien Matampy. Sur les réseaux sociaux, on n'a pas tarder à le designer comme celui par qui le malheur risquait d'arriver. Car ici, être éliminé d'une compétition de foot est souvent perçue comme plus qu'un malheur, ce sport permettant à plus d'un supporter de planer l'espace du temps réglementaire d'un match - à l'instar des personnes qui développent des addictions aux drogues - pour échapper aux dures réalités de la vie. Et croire aux lendemains qui chantent.
Le but camerounais va réussir à anesthésier les supporters de Léopards. Plus les minutes s'égrènaient, plus le doute s'installait dans le camp des supporters congolais. Certains commencaient même déjà à se rappeler comme s'ils se réveillaient d'un profond sommeil la folle nuit d'avant-match qui n'avait pas permis une préparation sereine de l'équipe. En somme, le dur retour à la réalité.
"Moi ce match depuis le début je ne croyais pas en notre victoire. Pour moi, il y a eu complot pour fragiliser le mental de nos joueurs", accusait Omba, un trentenaire pour qui se dessinait déjà une défaite des Léopards. Une défaite dont il a trouvé le responsable : l'adversaire camerounais, lui même organisateur de la compétition qui aurait tout manigancé pour déstabiliser psychologiquement les Léopards. Omba était loin d'être le seul à développer cette théorie. En ce moment-là, certains supporters continuaient tout de même de garder espoir. L'un d'entre eux, assis à proximité d'Omba et vêtu des couleurs nationales, tentait de le calmer. En réalité de se calmer lui-même : "Il n'y a rien mon ami, on va gagner ce match nous sommes les Léopards", avançait-t-il sur un ton rassurant.
Juste avant la pause, les Congolais ont dû commencer à revoir à la baisse leur ambition, lorsqu'à la 41 eme minutes, un défenseur des Léopards va dévier dans ses propres buts un tir chirurgical frappé en dehors de la surface. A 1 but contre 2, ce n'était plus le même match sur le terrain. Et plus du tout les mêmes espoirs devant les petits écrans.
Au retour des vestiaires, le rythme du match baissait d'un cran. Même si les Léopards apprivoisait le ballon, ils se montraient peu dangereux. Ce jour du match, certains d'entre eux sont allés au lit à 2 heures du matin. Le temps de refaire les tests Covid-19. On a beau être un fauve. Le corps a ses exigences. Et ses limites.
Au fil des minutes, l'espoir d'un retour dans le match s'amenuisait un peu plus. Et même la mine déconfite du sélectionneur et de son adjoint sur le banc ne laissait pas de place au doute : le sort des Léopards semblait scellé.
Commencait alors la recherche des boucs-émissaires au sein de l'équipe. Comme souvent. "Le gardien nous a fait défaut dans le premier but, sinon le match allait être à un but partout en ce moment", murmurait Alain. Qu'importe, ce soir-là, le score n'allait pas changer.
La fin du match intervenait alors qu'on approchait les 22 heures. Le couvre-feu était entré en vigueur une heure plus tôt. Tout le monde semblait se le rappeler du coup. Des foules de supporters accablés désertaient les bars pour regagner leurs maisons en petits groupes une déception totale. On commentait comme on pouvait cette déconvenue de l'équipe nationale. Une minorité continuait quand même de prendre la vie du bon côté.
"On a déjà remporté par deux fois ce trophée, on le gagnera un autre jour", pouvait-on entendre dans la foule.
Ce jour si lointain qui n'arrivera pas avant les deux prochaines années au minimum.