A la troisième semaine de la rentrée scolaire, les activités ne semblent pas vraiment bouger. Les syndicats de l’enseignement primaire et secondaire ont appelé à la grève sur fond des revendications salariales. Jeudi 21 octobre 2021, le ministre sectoriel, Tony Mwaba a annoncé la reprise imminente des discussions avec les syndicats. Le conseil des ministres a approuvé cette démarche. Mais il a surtout affirmé devant la presse qu’il n’y a « aucune organisation syndicale qui a décrété une grève légale et officielle ». Qu’en est-il sur terrain ?
Nous nous sommes rendus dans quelques écoles de la capitale et voici ce que nous avons vu et entendu. D’abord le collège Boboto, dans la commune de la Gombe, le centre d’affaires de la capitale. Vendredi 22 octobre, 11 h 15’. En temps normal, l’accès n’est pas facile à ce moment de la journée. Mais en ce début de week-end, on peut accéder aisément à la cour de l’école dominée par les cris d’oiseaux. Aucun bleu-blanc dans les salles de classe. Ici, la consigne de grève est respectée scrupuleusement. Les parents qui amènent leurs enfants sont priés de les ramener à la maison.
Si comme ailleurs, les enseignants de Boboto réclament essentiellement des bons salaires, ils ont une raison supplémentaire de radicaliser leur refus de donner cours : deux de leurs collègues sont privés de salaire pour avoir observé la grève en dehors de leur lieu de travail. : Ilunga Mvit, prof de Physique et Kabulu Ntambwe Ntete, prof de l’éducation physique ne touchent donc plus leurs salaires. Cette « désactivation », comme l’appellent les autorités gouvernementales, est venue s’ajouter aux préalables que les enseignants posent désormais pour reprendre la craie blanche.
“Les enseignants de Boboto ont juré de ne reprendre les cours que si l’État congolais réalise ses promesses en améliorant leurs conditions salariales”, déclare l’un des rares enseignants qui acceptent de répondre aux journalistes, craignant eux aussi les sanctions des autorités. Même atmosphère à l'EP1 et 2 Sainte Marie qui longe l’avenue du 24 novembre, les quelques salles des classes ouvertes sont vides. D’épaisses couches de poussière noire qui recouvrent les bancs témoignent éloquemment de l’absence des élèves depuis la rentrée scolaire.
L’unique enseignant trouvé sur place partageait son temps libre entre le gazouillement d’oiseaux et les programmes en continu diffusés sur un petit poste radio qu’il tenait en main. La seule évocation de la situation des enseignants a suffi pour troubler son semblant de quiétude et l’agacer. « Je n’ai rien à vous dire, informez-vous sur les radios et vous allez connaître nos revendications », a-t-il sèchement répondu à la tentative d’entretien.
L’École Moderne de Ngaliema, elle, s’est transformée pour ainsi dire en garderie. “Les élèves viennent le matin, et nous les encadrons jusqu'à 12 heures sans donner cours. Pas d'argent, pas d’enseignement”, explique ainsi un professeur présent. Dans les écoles de la capitale et de l’arrière-pays existent des enseignants qui prestent régulièrement sans être payés. Ils sont des N.U. (nouvelles unités) ou des N.P. (non-payés), selon le jargon du milieu. Certains enseignants des écoles conventionnées affirment avoir vu leurs salaires être réduits de moitié avec l’instauration de la mesure consacrant la gratuité de l’école primaire et de deux premières classes du secondaire.
Le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, Tony Mwaba lui se félicite des efforts du gouvernement pour améliorer les salaires des enseignants « Nous avons ajouté 40 000 francs congolais (20 dollars) et les enseignants ont fait la fête », expliquait-il jeudi dernier dans une conférence à la presse. « Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est plutôt une campagne anti-gratuité de l’enseignement », tranchait-il.
Lundi, il a mis un peu d'eau dans son vin. Les quatre enseignants "désactivés" ont touché leurs salaires d'octobre et sont réinscrits sur la liste de paie pour les rémunérations futures. Un geste d'apaisement à trois jours de la reprise formelle des négociations avec les syndicats.