L’Ong Transparency International a rendu public le vendredi 24 janvier son rapport annuel 2019 sur l’indice de perception de la corruption dans le monde. Sur 180 pays la RDC se classe comme le 168e pays le plus corrompu au monde avec note de 18 sur 100. Une régression par rapport à l’année 2018 où le pays occupait la 161e place avec la note de 20 sur 100. Ce rapport traduit la faiblesse de l’administration congolaise ruinée par la corruption depuis des années. Illustration avec jeunes hommes qui voulaient lancer leur ONG. Ils ont été victimes de l’opacité complète des agents véreux en vue d’obtenir de documents légaux pour leur organisation.
Rose et Eric mettent en place avec leurs proches une association sans but lucratif (Asbl). Ils s'engagent dans les démarches pour faire notarier les statuts de leur ONG. Les deux jeunes se rendent à l’hôtel de ville de Kinshasa pour faire notarier leur statut après l’avoir élaboré. Ils sont dans un bureau dans le bâtiment où l’on traite de la question pour de renseignements. Ils sont reçus par un certain monsieur Edouard qui leur donne la place dans le bureau dans lequel il partage avec ses autres collègues. Il invite Rose et Eric à parler à basse voix pour éviter que ses pairs ne s’emparent du dossier. Il leur donne le prix de 80$ pour légaliser le document auprès du notaire. Les deux jeunes essaient de discuter mais le monsieur reste intransigeant, il leur dit que le document ne s’obtient qu’à ce prix pour tout le monde. Ils essaient de demander un document qui affiche le tarif de documents légaux et c’est un non catégorique de la part de leur interlocuteur.
La jeune fille et le jeune homme se lèvent et le rassurent de revenir dans deux jours avec l’argent, il les accompagne dans un couloir sombre du bâtiment et leur remet ses coordonnées téléphoniques sur un bout de papier. “Avant de venir appelez-moi d’abord et ne vous adressez à personne d’autre”, dit-il en douce avant de les laisser prendre les escaliers.
Comme convenu, l’équipe de l’association revient mais cette fois-ci avec un fin négociateur parmi eux. L’agent Edouard les reçoit mais Chris le nouveau venu veut faire baisser le coût du document qu’il trouve exorbitant. Il propose 60$ à l’agent et ce dernier réfute la somme immédiatement. Alors ils couperont la poire en deux, au lieu de 80$ comme prévus, les trois jeunes paieront 70$. Une semaine après après avoir corrigé les incohérences dans leurs textes sur demande du notaire, les statuts de leur ONG ont été notariés. Mais sur le document officiel pour lequel ces jeunes ont payé 80$, le prix est aussi affiché. Le document vaut 16.080 fc ce qui équivaut à 10$ plus les frais de livraison qui s’élèvent à 5.650 fc l'équivalent de 3.3 $. Le document officiellement vaut donc 13$.
Au ministère de la justice, ils ont besoin du document appelé “F 92” qui leur donnera la reconnaissance judiciaire d’exercer au pays. Là-bas également personne ne donne un prix officiel. Si les uns parlent de 100$, d’autres c’est 150 $ et d’autre encore 200 voire 250$. Tous ces prix sont donnés au sein d’une même administration. En attendant de réunir tous ces fonds, ces jeunes femmes et femmes ont promis de recontacter l’un d’eux pour obtenir ce document crucial pour leur nouvelle association qui débutera ses activités dans le domaines de la communication.
Un exemple parmi d'autres qui montrent comment pour l'obtention des simples documents, les agents de l'administration trouvent une opportunité pour se faire corrompre en rendant l'information officielle opaque. La Ligue Congolaise Contre la Corruption (LICOCO) estime qu’il n’y a eu aucune avancée significative les trois dernières années dans la lutte contre la corruption dans le pays. Selon elle les investisseurs refusent de venir en RDC créant ainsi un grand nombre de chômeurs dans toutes les couches de la société. Le chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi a promis de lutter pendant son quinquennat contre ce fléau qui gangrène tout le territoire national dans tous les secteurs. Il envisage de créer dans l'urgence une structure pour s’occuper de ce problème. En attendant, la corruption se porte bien dans l'administration publique congolaise. La prochaine fois qu'on vous délivrera un document, dites-vous bien que l'avez "acheté" dix voire vingt fois plus cher.
(Tous les prénoms ont été changés pour préserver l'anonymat des auteurs)